Newsletter #6

Les jours rallongent, le soleil revient petit à petit...

Et le four solaire recommence à fonctionner, petit à petit lui aussi. Le soleil est encore bas, il reste des zones d'ombres projetées sur le four à certaines heures de la journée. Pas assez de puissance pour le pain donc, mais pour les graines et le cacao, ça fonctionne!

En attendant, grâce au four à bois le pain est toujours là.

Cette lettre est la suite et fin (ou pas) de la newsletter de janvier, consacrée au pain, et à tout ce qu'il dit de nous, de nos valeurs. Cet aliment du quotidien, discret et pourtant essentiel, nous semble une évidence. Pourtant, sa production révèle les limites d'un système agricole et artisanal qui bientôt ne correspondra plus aux enjeux sociaux et climatiques. On vous dit pourquoi, et on reste ouverts à la discussion! ;-)

Le pain, c'est une recette ultra-simple: de la farine, de l'eau, du sel, et c'est tout. A partir de là, on peut y ajouter plein d'ingrédients gourmands (fruits secs, graines, ...) mais la base restera toujours la même.

Ça, c'est pour la théorie. Car en pratique, une baguette ordinaire peut contenir jusqu'à 14 additifs dits "améliorants", une tradition jusqu'à 4. Ces additifs servent à améliorer la levée de la pâte, à adapter les temps de pousse à une chaîne de production réalisée essentiellement par des machines, à favoriser une fermentation rapide (car le temps c'est de l'argent) et permettre ainsi une production en gros volumes.

Si la production mécanisée a permis de soulager la charge physique du travail des boulangers, elle induit aussi un rythme plus soutenu dicté par les machines, et un volume de production colossal pour rembourser les investissements devenus plus coûteux. On l'observe dans l'artisanat, on l'observe aussi dans l'agriculture.

Si l'augmentation des volumes de production permet de réduire les coûts, et donc de rendre l'alimentation accessible au plus grand nombre, la recherche du coût le plus bas ne profite pas à tous. Quand une baguette est parfois vendue 0,30€ en supermarché, comment un artisan, soumis aux mêmes charges sociales et aux mêmes impôts que les grandes enseignes, peut-il être compétitif? Ou quand le paquet de farine bio est vendu 0,82€ / kg en grande surface, alors que l'agriculteur aurait besoin de le vendre au moins 1,80 € / kg pour gagner sa vie, comment fait-on?

Nous n'avons pas la réponse, mais ce qui est sûr c'est que nous essayons d'expérimenter un modèle différent, basé sur l'autonomie, le circuit-court et le prix juste, pour le producteur et le consommateur.

Déjà, chez nous, c'est zéro améliorants, et nous travaillons uniquement au levain naturel, en fermentation longue.

Le temps de fermentation est essentiel:

- d'une part, les millions de micro-organismes présents dans le levain pré-digèrent le gluten, et le rendent mieux assimilable par notre corps (question super-banco: pourquoi l'être humain, qui cultive du blé depuis plus de 6000 ans, deviendrait tout à coup intolérant au gluten?)

- d'autre part, la fermentation longue permet le développement des arômes de la farine, et donne toute sa saveur au pain.

Pourquoi notre pain est-il peu salé?

Le sel en grande quantité n'est pas si bon pour la santé. Or il paraît que le pain représente en moyenne 20% de l'apport journalier recommandé des Français. Comme notre pain a du goût, grâce au levain et à la fermentation longue, cela nous permet de réduire la quantité de sel dans nos recettes.

Pourquoi notre pain est-il dense?

Nos pains font 1 kg. Ils donnent l'impression d'être petits? C'est parce qu'un pain au levain sera toujours plus dense qu'un pain à la levure. En même temps, il est plus nutritif, nous sommes donc plus vite rassasié avec une tranche de notre pain qu'avec une tranche de pain blanc à la levure. Il faut savoir que l'appellation "pain au levain" admet l'utilisation de levure à une dose maximale de 2g par kilo de farine. C'est peu, mais ça change grandement l'aspect de la mie.

Pourquoi n'utilisons-nous pas du tout de levure?

La levure de boulanger (saccharomyces cerevisiae) est une souche de levure sélectionnée en laboratoire pour sa capacité à faire lever les pâtes. Nous avons choisi de nous en passer totalement car nous aimons avant tout le pain qui a du corps (pour pouvoir y tartiner nos confitures sans que la mie se détache toute seule), mais aussi par souci d'autonomie. Acheter régulièrement de la levure à un laboratoire favoriserait une production industrielle et centralisée, qui va a l'encontre de notre volonté d'utiliser des ingrédients locaux et d'être autonome.

Le bonus? Le levain permet une conservation optimale du pain, ce qui évite de devoir en produire tous les jours.

Pourquoi notre pain n'est-il pas labellisé bio?

Nous avons fait le choix de ne pas faire labelliser l'ensemble de nos produits. Il y a 2 raisons à cela:

- d'une part, nous préférons travailler à la confiance. La plupart de nos ingrédients sont issus de l'agriculture biologique. Nos clients nous connaissent, nous sommes transparents sur les matières premières que nous utilisons. Si nous faisions labelliser nos produits, au final le consommateur paierait 2 fois la certification bio: une fois pour le label sur les matières premières, une seconde fois sur le produit final. Quand la chaine de commercialisation est courte, nous pensons que ce n'est pas nécessaire (si vous voulez des preuves, il suffit de nous demander à voir les emballages de nos matières premières :-D)

- d'autre part, nous sommes souvent confrontés à un choix crucial: le bio n'est pas disponible partout, tout le temps (même si on espère qu'un jour ce sera la norme). Du coup, entre un ingrédient bio qui vient par un grossiste, produit on ne sait où en France, voire en Europe ou ailleurs, et un ingrédient non bio mais qui vient juste du champ d'à côté, nous avons choisi la proximité. A condition évidemment que la culture utilise des méthodes qui poursuivent le même but que nous, à savoir la préservation du vivant. Entre bio et agro-industriel, il y a tout un monde de paysans qui ont des pratiques respectueuses du vivant et un vrai savoir-faire en la matière. Sauf que ceux-là, on n'en entend jamais parler dans les médias.

Pourquoi ne faisons-nous pas de pain le week-end?

Parce que le week-end on se repose pardi! Comme une grande majorité des gens, nous avons envie de profiter de notre vie de famille. Et comme notre pain se conserve très bien, on sait que même acheté le jeudi, il est encore bon le dimanche!

Comment fixons-nous le prix des pains?

La valeur d'un pain est toute relative. Déjà, il faut comparer les prix au kilo. A produit équivalent, c'est-à-dire pain au levain, avec des farines de qualité produites localement, et des ingrédients issus majoritairement de l'agriculture bio, nous sommes alignés sur les prix pratiqués par la plupart des boulangeries convenables.

Il faut savoir que sur le prix auquel nous vendons le pain: 25% correspond au coût des matières premières, 25% part dans les remboursements des investissements, les impôts et les charges sociales, et 50% devrait correspondre à un salaire (que nous espérons égal au SMIC à terme). Dans les faits, pour que cette répartition soit vraie, il faut faire un certain volume, que nous n'atteignons pas encore. Car les impôts et cotisations sociales ne sont pas tous indexés sur le chiffre d'affaire, les remboursements de prêts non plus. Il nous faudra donc atteindre un certain volume de pain pour pouvoir se dégager un salaire (idéalement 120 kg par semaine). Ou alors développer la vente des produits de conservation.

D'autres questions? Des désaccords? Besoin d'en savoir plus? N'hésitez pas, on est là pour en parler!

Vous avez trouvé cette lettre beeaaauuucoup trop longue? Désolés, mais il fallait qu'on en parle. ;-)

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